Des membres de l’ACRA ont des passions et des talents cachés. Nous vous invitons à nous les faire découvrir dans cette section de l’infolettre. Nous poursuivons cette chronique par notre amie Stéphanie McDuff qui est aussi membre du conseil d’administration et deuxième vice-présidente de l’ACRA.
Quelle est l’origine de ta passion et depuis combien de temps pratiques-tu la frivolité?
La graine a été semée quand j’étais au cégep. À l’époque, une étudiante vendait à une table des signets en fils, que je trouvais de toute beauté. Spontanément, je me suis dit : « Un jour, je vais être capable de faire ça! »
Comme c’est un art textile assez rare, il m’a fallu ensuite cinq bonnes années pour, d’abord, identifier la technique (la frivolité), me procurer le matériel (une navette et du fil) et trouver une enseignante plus habile qu’un livre pour m’expliquer les mouvements à faire.
C’est donc vers 2011 que j’ai officiellement commencé à manier la navette, et je n’ai jamais cessé depuis.
J’ai appris, au fil du temps, qu’il s’agit d’une technique de dentelle marginalement répandue un peu partout dans le monde. Elle se pratique beaucoup aux États-Unis, en Ukraine, en Russie et au Japon. Si quelques dentellières québécoises l’ont apprise de religieuses au début du 20e siècle, la frivolité ne s’est toutefois pas transmise aux générations suivantes. Comme le tricot, la couture et le crochet, c’est une pratique qui a sauté quelques générations et qu’il m’a fallu apprendre par moi-même.
Je trahis aussi ma passion de temps en temps en faisant un peu de crochet, de broderie, de tricot, de couture ou d’autres techniques d’artisanat. Le mélange d’un peu de tout me plaît!
Pourquoi aimes-tu tant faire de la dentelle?
C’est la beauté du résultat qui m’anime. J’aime la transparence de la dentelle et le fait de construire une sorte de tissu troué à travers des courbes, des anneaux et des nœuds. Et tout se fait uniquement à partir d’un fil, ce que je trouve extraordinaire.
J’aime aussi que ce soit une technique toute en courbes et que la ligne droite soit presque impossible à obtenir sans manœuvre un peu détordue ou détour par la multiplicité de formes. On peut par exemple obtenir une ligne droite en faisant une série de ronds placés bout à bout.
J’adore le fait que la frivolité se transporte facilement, beaucoup plus que le tricot ou le crochet. J’ai presque toujours mon sac à ouvrage avec moi, caché au fond d’un sac à main ou d’un sac à dos. Je peux facilement en extraire une navette et commencer à « frivolier » dans l’attente du métro, à un arrêt d’autobus, sur le siège passager d’une automobile, dans une file d’attente à la pharmacie, etc. Debout, assise, voire même en marchant, la frivolité est là!
Ah, et je suis une maniaque des petites choses. Plus c’est petit, plus c’est mignon! Mais il faut une bonne lumière et de bons yeux!
Qu’est-ce qui te motive à créer tes propres patrons?
J’aime le défi que ça représente parce que c’est difficile! Exécuter un patron existant est généralement agréable, d’autant plus qu’on est à peu près certaines d’obtenir le résultat souhaité. Par contre, il faudrait toujours des patrons plus complexes pour continuer d’apprendre, et c’est loin d’être facile à trouver. Mieux vaut alors les inventer soi-même.
Concevoir de nouveaux modèles permet de sortir des sentiers battus et de créer des formes ou des motifs inattendus. Il faut savoir que la frivolité a un long historique de centres de table, de bordures de dentelle ou encore de cols. C’est surtout dans les 20 ou 30 dernières années que certaines frivolières ont fait éclater les limites de la technique. Si on a donc, aujourd’hui, accès à une multitude de points et de formes, les patrons pour les utiliser manquent à l’appel.
Quel parallèle peut-on faire entre l’écriture et la dentelle?
Les deux sont exigeantes et précises! En frivolité, on n’a pas tellement droit à l’erreur. Défaire des nœuds peut facilement prendre 20 fois le temps mis à les nouer, et on est chanceux si on ne casse pas le fil du même coup. En rédaction, on peut évidemment effacer un passage et le reprendre beaucoup plus facilement. N’en demeure pas moins que je suis hantée par la perfection du texte, qui se fait à travers la précision des mots et une bonne maîtrise de la grammaire et de la syntaxe. Mais le résultat final, quand il est satisfaisant, vaut tous les efforts investis.
Si j’avais à me faire poète ou philosophe un instant, je dirais que c’est aussi visuellement similaire. En un sens, la page se couvre d’une dentelle de mots au fil de l’écriture.
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